FAR de Morlaix - Festival Arts de la Rue édition 2007

Le Petit Théâtre de Pain - Embedded

Embarquement vers la vérité

Début en musique : un homme enrôlé dans les Marines quitte sa femme pour Gomorrhe, « ennemi de la nation » où la guerre fait rage. Il n'est pas le seul.

Puis nous nous immisçons dans le Bureau des Plans Spéciaux, où 6 personnes masqués, en réalité les 6 réels leaders des Etats-Unis, se retrouvent pour parler de l'évolution de la guerre et « le mal que constitue le boucher de Gomorrhe ». Humour acerbe, querelle de pacotille, désintéressement total du sort des troupes... Le but de cette réunion ? L'Amérique doit représenter l'axe du bien et le rester à tout prix quitte à déformer « légèrement » la réalité pour le bien des citoyens, en d'autres mots mentir au peuple.

Nous nous retrouvons aussi parmi des journalistes enrôlés dans l'armée, entraînés comme des Marines pour savoir comment se défendre car, sur le terrain « un Gomorrhiste ne ferait pas la différence entre mes hommes et vos trous du cul astiqués de journalistes ». Ils apprendront que leur travail ici n'est pas l'investigation, mais savoir faire la part des choses entre la vérité vue de leur propres yeux et la vérité que l'on doit divulguer. Certains l'apprennent vite, d'autres veulent défendre leur liberté d'expression.

La pièce dénonce fortement la manipulation des médias, le travail des journalistes étant lus et relus et corrigés par les hautes autorités militaires afin de faire basculer la balance dans le bon sens : « Tout journaliste qui s'apprêtent à remettre un sujet doit sumettre ce sujet à approbation ». Ainsi, une bavure d'un militaire, décimant une famille de Gomorrhiste, n'est pas relaté. La politique américaine en Irak (Gomorrhe étant bien sûr le territoire d'Orient) est clairement et violemment dénoncé ainsi que les ravages physiques et psychologiques de la guerre : le militaire responsable de la bavure, véritable yankee n'ayant pas peur d'affronter la mort, sombre dans une folie culpabilisatrice et destructrice.

Mais le bureau des plans sociaux n'en a que faire de ses problèmes et , toujours avec cet humour cynique, s'apprête à faire régner l'ordre sur d'autres régions du monde à sa façon. Un vrai travail de réflexion s'impose : une guerre n'est-elle qu'une question de pétrole, d'argent, bref de souveraineté à tous les niveaux, où la question de l'être humain est reléguée en arrière-plan ? « Personne ne veut faire la guerre, mais si il faut y aller, nous sommes prêts ». Et les membres du bureau, tous « vrais » patriotes mais qui n'ont jamais connu la guerre, connaîtront le succès. Les combattants, eux, connaîtront, la mort, la déchirure.

La pièce se termine sur cette histoire arrangée d'une combattante américaine qui fut sauvée par des médecins irakiens, mais dont l'histoire fut arrangée pour en faire une héroïne de la guerre, à coups de dollars et de simagrées.

On se pose des questions sur le pouvoir d'un complexe politico-militaro-économique qui donne la priorité aux intérêts du pays considéré comme la première puissance mondiale devant ses citoyens. Mais c'est également l'occasion de donner la parole à une partie de plus en plus large de l'opinion américaine luttant contre cette administration qui considère l'après 11 Septembre comme une réussite.

Texte : Mathieu Nihouarn