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Annibal et ses éléphants - Misérables !

Publié le vendredi 6 août | 19h36

Approchez, approchez Messieurs Dames ! Installez-vous sur les moquettes ! Bon, les enfants, vous restez tranquilles, ok ? Encore un qui braille, c'est le gosse de qui ? Ah, un orphelin, mais on avait dit que les orphelins étaient interdits dans les spectacles !

Nous voilà entourés par cinq acteurs, pinces sans-rires... et si drôles ! Le régisseur qui ne supporte pas de se faire appeler « technicien » est de mèche, et ordonne à coups de projecteurs éteints et de crise de nerfs qu'on l'appelle « co-producteur » !!! Non mais !

Les numéros s'enchaînent, résumant en accéléré les 2000 pages de Victor Hugo ! Le rôle de Cosette est joué par un muet, cherchez l'erreur ! Nous assistons aussi à Jean Valjean et son sceau, moment gravé dans les mémoires collectives. La scène de Javert « Tempête sous un crâne » - est jouée en accéléré, par trois fois, pour témoigner de l'évolution de la famille Annibal depuis 150 ans. On passe donc du théâtre classique au théâtre muet, puis au théâtre dansé et enflammé : « La danse contemporaine doit tout au théâtre forain ! Et na ! »

Tous les épisodes importants sont joués, ponctués par la demande d'un euro, pour que les comédiens puissent jouer la scène suivante. Le public mi-enjoué, mi-surpris, mi-dubitatif ne sait trop comment réagir face à cette demande inopinée. Sous couvert du célèbre roman, les comédiens n'hésitent pas à nous préciser qu'ils résument en 3 minutes une centaine de pages- nous font passer leurs opinions sur l'argent de l'Etat, de l'UMP, des flics, de la culture télé, des enfants « marchandise » - la cupidité des Ténardier vendant Cosette sans une larme... Les scènes nationales en prennent aussi pour leur grade, elles qui « ont tout dans la vitrine et rien dans le magasin ! » ...

Des petites références littéraires jaillissent de ça, de là, tel le poème du Dormeur du Val récité par un Jean Valjean enflammé, ou encore un passage de La Légende des Siècles...

« Allez, on chante la Marseillaise ! Oh, non, on va encore avoir un procès au cul ! » Et hop, le « jeune » de la troupe commence à entamer sa chanson du Trust « antisocial, antisocial, antisocial » repris par le public !

Mais alors qu'ils proposent à nouveau au public de choisir la scène suivante, sans oublier les « un euro » obligatoires, un jeune homme à l'air fatigué, pas lavé, usé de dormir dans la rue la nuit, s'avance et vient verser toute sa bourse, les mains tremblantes et le cœur décidé dans les mains d'Annibal. Ce dernier est sidéré par cet acte, tout comme le public. Ce moment très émouvant laisse place au silence respectueux. Cet acte ne peut avoir lieu que dans les arts de la rue, et cet élan de générosité a surement fait réfléchir plus d'un... « De toute façon, c'est toujours les pauvres qui donnent, les riches jamais, c'est pour ça qu'ils le restent ! » dixit Annibal...

Et le spectacle continue à coups de cris et de rires, il faut rendre la location du costume, Annibal se retrouve en slip rose au milieu de la scène, tout en se moquant du muet qui a, paraît-il, une affreuse dégaine...

A la fin, Jean Valjean réapparaît costumé en carotte -job qu'il a trouvé au centre commercial, parce que là au moins il y a un public de 8000 personnes, pas comme ce soir et en plus on est mieux payé qu'au FAR!

A la prochaine, les Annibal !

Texte : Lucie Nicolas
Photos : Julien Mazé


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