D’hier à deux mains est bien plus qu’un spectacle : il est le témoignage des non-dits, du silence, du passé et des peurs, autant de mots ayant en commun une histoire, celle de la guerre d’Algérie et des Harkis.
C’est le récit poignant de trois individus hantés par une même Histoire. Ce voyage autour de l’identité et de trois vies cheminant en parallèle raconte l’histoire d’un agriculteur-instituteur, celle d’une fille de Harki qui a vécu les camps de transit en France et celle de Moussa, ex-clandestin, algérien de seconde génération.
La scénographie et la mise en scène sont matérialisées par trois petites scènes dans un espace circulaire au centre duquel trois personnages boivent un verre autour d’une vieille table ronde. Leur regard livide et leur air pensif laissent à supposer qu’ils ne se connaissent pas et surtout, qu’ils souffrent. En vérité, ce qui les unit autour de cette table, c’est la métaphore d’une histoire commune et cette même envie de briser un silence trop longtemps figé en eux. Pour sortir de cet enfermement, pour enfin parvenir à avancer dans ce monde, ils vont utiliser le seul remède capable de guérir leurs maux : les mots.
Chacun prend possession d’une des trois scènes disposées devant trois groupes de spectateurs pour raconter son histoire en simultané. Tour à tour, ils permutent d’une scène à l’autre. C’est ainsi qu’en trois récits, le spectateur perçoit ce qu’il y a de commun en chacun d’eux : la souffrance, la solitude, la peur et la perte de repères.
D’Hier à deux mains est aussi inspiré de l’histoire de son auteur et metteur en scène Moussa Tigherstine. Il y a 23 ans, il s’est demandé pourquoi tout ça n’a pas été dit. C’est ce silence qui lui a donné envie d’écrire et c’est grâce à ses mots que l’on partage désormais les mêmes interrogations :
Comment retrouver son identité quand depuis tant d’années la peur de retourner « au pays » se fait toujours aussi présente et oppressante ? Comment se connaître soi-même quand on a combattu contre sa propre patrie et que l’on est méprisé par un l’Etat pour lequel on a "retourné sa veste" ?
En brisant ce Silence et en écrivant cette Histoire, l’auteur met à nu l’âme de tous ces hommes que nous ne connaissions pas si bien.
Texte : Carole Michel
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